mercredi 20 mars 2013

Nanotechnologie & Cancer - Partie 2-

Dans l’approche conventionnelle les principaux outils utilisés sont encore :
La chimiothérapie conventionnelle, repose sur l'administration de drogues «non-spécifiques», cytostatiques ou cytotoxiques. Certaines ont une action antimitotique (s'opposant à l'accomplissement des mitoses, c'est-à-dire à la division et donc la multiplication de certaines cellules.), alors que d'autres vont interférer avec la réplication de l'ADN, induire des lésions irréversibles, se fixer ou s'intercaler irréversiblement dans l'ADN, ce qui a pour conséquence de tuer les cellules en prolifération .

Le principe de cette approche thérapeutique repose sur le fait que les cellules cancéreuses prolifèrent davantage que les cellules saines, ce qui en fait les premières victimes. Toutefois les cellules épithéliales saines (peau, cheveux, paroi intestinale) qui prolifèrent également de manière importante sont généralement affectées par les doses importantes des drogues administrées au patient, ce qui a pour conséquence des effets secondaires délétères (perte de cheveux, amaigrissement, vomissements, etc.).

 La radiothérapie agit selon le même principe, les rayons ionisants administrés aux patients ayant pour conséquence de provoquer des lésions génétiques létales au niveau de la tumeur. Ce traitement non-chirurgical du cancer, induit le concept de multi-thérapie, associant la chirurgie à la radiothérapie.

Le diagnostic classique d'une tumeur repose aujourd'hui encore sur la palpation et la détection par rayons X, par imagerie de résonance magnétique ou par TEP (tomographie par émission de positons).

Toutefois la résolution de ces approches est limitée, de sorte à ce que les plus petites tumeurs identifiées (de l'ordre de plusieurs mm3) contiennent déjà cent à mille millions de cellules cancéreuses, entièrement autonomes et capables de former des métastases.
Par ailleurs, une fois la biomasse suspicieuse détectée, une biopsie est généralement réalisée, afin de vérifier la présence de bio-marqueurs dans les cellules dites cancéreuses.
Cette approche est non seulement invasive et désagréable pour le patient, elle est de plus indirecte, et plus ou moins longue puisqu'elle dépend d'analyses antigéniques par des approches comme l'ELISA (dosage immuno-enzymatique sur support solide) ou l'immuno-histochimie, ou des méthodes d'analyse des acides nucléiques par RT-PCR (amplification par réaction en chaîne par polymérase après transcription inverse) ou par FISH (hybridation de sondes fluorescentes in situ).




 Nouveaux bio-marqueurs électrochimiques à détection ultra précise
 




Le profilage transcriptionnel ou protéomique d'échantillons de tumeurs a mis en évidence un grand nombre de bio-marqueurs potentiels (Whitfield et al. 2006). De plus la tâche est compliquée par le fait que ces bio-marqueurs, (protéines, acides nucléiques, métabolites, etc.) peuvent être exprimés en quantités très faibles, à peine détectables par les approches de diagnostic classiques, ou alors fortement exprimés, mais également présents dans les cellules saines.
Enfin, il existe une grande hétérogénéité des bio-marqueurs pour un même cancer en fonction de son stade, mais aussi d'une personne à une autre. Ainsi le diagnostic d'un cancer requiert idéalement une approche personnalisée, adaptée à chaque cancer et à chaque individu.

Outre les approches thérapeutiques et de diagnostics conventionnels,
La nanotechnologie constitue une puissance de frappe dans le domaine du cancer, en contribuant au développement de : thérapies ciblées ;  de nouvelles stratégies de Vectorisation pour la délivrance des médicaments ; de nouvelle conception  technologiques et innovantes pour la détection de bio-marqueurs cancéreux ; et aussi de l’émergence de chirurgie très précises assistée par l'imagerie.

En effet, l'homme rêve depuis toujours de pénétrer dans le corps humain pour l'explorer, comme l'illustre si bien le roman d'Isaac Asimov « Le Voyage Fantastique » décrivant les aventures d'un vaisseau sous-marin qui est miniaturisé pour aller s'immiscer dans les profondeurs du corps humain (Asimov, 1966), ce roman a été la source d’inspiration du film « l'aventure intérieure » (Steven Spielberg 1987).

Toutefois, les membranes biologiques constituent de véritables barrières de protection et de défense et la plupart des biomolécules, notamment les drogues et sondes hydrophobes, sont incapables de les franchir pour accéder au milieu intracellulaire.

L'une des avancées majeures dans le domaine de la nanotechnologie appliquée à la biomédecine est le développement d'outils dits « vecteurs », organiques ou inorganiques, permettant de transporter des biomolécules et facilitant leur pénétration dans les cellules, tissus et organes ainsi que leur ciblage spécifique vers des types cellulaires spécifiques, cellules cancéreuses ou tumeurs.

Les nano-vecteurs et les stratégies de vectorisation qui ont été développées sont divers et variés. Si les vecteurs viraux ont essentiellement été appliqués à la thérapie génique, des formulations nano-particulaires organiques d'origine lipidique, telles que les liposomes, constitués de polymères organiques, de protéines ou de peptides, ont été largement exploitées pour délivrer des petites molécules à visée anticancéreuse.

Pour le traitement clinique de différents cancers une première formulation lipidique de Doxorubicine, approuvée depuis plus de dix ans pour traiter le sarcome de Kaposi, puis le cancer du sein et de l'ovaire (Safra et al. 2000). La seconde est une formulation nano-particulaire d'albumine couplée au paclitaxel, ce qui augmente significativement l'internalisation cellulaire de ce dernier, et par conséquence son efficacité clinique, notamment pour le cancer du sein métastatique (Tomao et al.2009).

Plus récemment, des formulations de peptides dits « pénétrants », issus de séquences naturelles capables de franchir des membranes biologiques, ont fait l'objet de développements pour des applications thérapeutiques associées à la délivrance de drogues, ou d'acides nucléiques mal assimilés par l'organisme (Morris et al. 2008).

Des nanoparticules d'or ou d'argent sur lesquelles sont greffées des molécules thérapeutiques ont été proposées pour le traitement topique des maladies de la peau, comme le psoriasis et le cancer (Mirkin, 2011).
Enfin le couplage d'anticancéreux à des nanotubes de carbone permet d'administrer des anticancéreux de manière efficace chez la souris, et d'affiner cette délivrance médicamenteuse à un ciblage tumoral, par conjugaison d'anticorps aux nanotubes (Bianco et al. 2008).

Il est important de souligner que la taille de ces nano-vecteurs leur permet de passer à travers les pores de l'endothélium vasculaire (400- 600nm) pour arriver à leur site d'action tumoral, où ils vont ensuite s'accumuler naturellement par l'effet EPR (Enhanced Permeability and Retention). En effet, la pression créée par l'hyper-prolifération cellulaire au sein d'une tumeur, associée à son faible drainage lymphatique, favorise l'accumulation de nanoparticules de 100-200nm qui circulent dans le système sanguin (Torchilin, 2011).

Le ciblage thérapeutique
Les nanoparticules sont des « chevaux de Troie » comportant des médicaments, des agents de contraste qu'ils vont transporter et larguer au niveau d'une tumeur.
Le ciblage moléculaire consiste à concevoir des médicaments capables d'interagir spécifiquement avec une cible moléculaire pour neutraliser son action. Le ciblage cellulaire consiste à diriger l'agent thérapeutique vers un récepteur spécifiquement exprimé à la surface des cellules cancéreuses.
Les nanoparticules peuvent de plus être couplées à des agents stabilisateurs pour permettre une diffusion prolongée dans l'organisme et réduire leur reconnaissance et opsonisation par le système immunitaire.
La connaissance des origines moléculaires du cancer, et l'identification de bio-marqueurs et de cibles moléculaires d'intérêt pharmacologique permet aujourd'hui de proposer des stratégies ciblées pour le développement d'inhibiteurs à visée thérapeu- tique, mais aussi pour le développement de bio-senseurs pour des stratégies de détection spécifiques et sensibles.
Les leçons tirées du passé, et des limites des premières chimiothérapies, ont permis de comprendre qu'il fallait proposer de nouvelles stratégies plus ciblées, basées sur des médicaments dirigés spécifiquement contre les altérations moléculaires responsables des cancers, et administrés spécifiquement au site tumoral plutôt que de manière généralisée (Strebhardt et Ullrich, 2008).
La thérapie ciblée est ainsi née dans les années 1990 avec pour conséquence un impact net sur l'efficacité des médicaments, et la réduction des effets secondaires lors de leur administration au patient.
 Le défi thérapeutique consiste à proposer des médicaments plus spécifiques et donc moins délétères pour l'organisme.
A cette fin, plusieurs stratégies de ciblage sont employées pour contribuer à réduire les doses employées et les effets toxiques ou secondaires, tout en s'assurant de la biodisponibilité et de la stabilité du médicament administré, pour optimiser ses propriétés pharmacocinétiques.
 La nanotechnologie offre aujourd'hui la possibilité d'un ciblage à deux niveaux :

Le ciblage moléculaire, consistant à concevoir un médicament qui va spécifiquement reconnaître et interagir avec une cible précise, responsable du développement d'un cancer, plutôt que d'agir sur un mécanisme cellulaire général ;

La vectorisation ciblée ou ciblage cellulaire, consistant à diriger l'agent thérapeutique spécifiquement vers les cellules cancéreuses. Les assemblages nano-particulaires sont de plus couplés à des agents stabilisateurs pour permettre une diffusion prolongée dans l'organisme et réduire leur reconnaissance et opsonisation par le système immunitaire.

 Tiré de la publication de Rayonnement du CNRS n° 58 printemps 2012  
May C. Morris, directrice de recherche au CNRS

 Lexique

1. Apoptose : mort cellulaire programmée : processus par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un stimulus

2. Angiogenèse : croissance de nouveaux vaisseaux sanguins

3. Anti-mitotique : qui bloque la division cellulaire

4. Protéomique : concernant l'ensemble des protéines d'une cellule, tissu, organe ou d'un organisme

5. Dendrimères : molécules synthétiques comportant des embranchements

6.Polymères : substances composées de plusieurs molécule

7. Multimérique : assemblage non-covalent de plusieurs entités –
    Polymérique : assemblage covalent de plusieurs entités

8. Graphène : polymère / cristal de carbone

9. Endothelium : paroi cellulaire interne

10. Opsonisation : recouvrement d'une cible (étrangère) par des molécules dites « opsonines » pour faciliter sa reconnaissance par les cellules du sytème
immunitaire (macrophages) pour sa phagocytose

11. Épitope : partie d'une molécule qui constitue un site de reconnaissance par un anticorps

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire